Ondine
Il était ou il n’était pas
Une histoire que l’on raconta
Jadis et aujourd’hui, dedans et dehors
Pour tous ceux à qui on fait du tord
Ce conte il me concerne
J’y devine la clé de ma liberté
Au-delà des lois qui me gouvernent
Justice sera faite en toute équité
Ils allaient être parents
Depuis longtemps ils désiraient un enfant
Mon papa était très prévenant
Maman était son unique diamant
Pour satisfaire son épouse
Il travaillait sans ménagement
Malgré le peu d’aisance financière
Il gâtait toujours sa très chère
Un jour l’argent vint à manquer
Pour subvenir aux besoins du foyer
Mon père inquiet s'en alla trafiquer
Petit à petit il s’est fait remarquer
Le malheur arriva en pleine nuit
Mon père fût aperçu en plein délit
Le témoin fit payer son silence
En échange de mon enfance
« Je ferme les yeux si tu me donnes le bébé »
Mon père accepta et à sa femme mentit
Comme on arrache un oisillon à son nid
On m’a enlevée malgré mes cris
Mes parents me sont inconnus
Une autre femme en guise de mère
Elevée comme une détenue
Pour moi la vie sociale est un mystère
C’est en haut d’une tour que j’ai grandi
Sans portes, ni fenêtres j’ai appris
La musique, le chant et la danse
Ma respiration comme essence
Et le défaut de ma qualité
Ma chevelure comme un fleuve
Pouvait descendre jusqu’au pavé
Et transporter toute une vie neuve
Comme des cordes sous les étoiles
Elle devenait ma seule issue
Pour rencontrer comme sous un voile
Le charmant voisin tant attendu
Vivre cachée et sans identité
M’a rendue bien plus naïve
Que les jeunes de ma contrée.
Mon sang circulait comme une eau vive
Mon esprit venait des livres
Et d’une belle - mère aride
Malheureuse elle avait peine à vivre
Et la jalousie déformait ses rides
Happé par ma voix le voisin m’interpella
Se hissa jusqu’à moi et m’enchanta
Mi - fée mi- humaine je fus son Ondine
Ses parents voulaient pour lui une maghrébine
Bravant les interdits et les vents contraires
Nous savourions cet amour lunaire
Conscients de sa rareté et de notre chance
Nous étions portés vers l’espérance
Je crois que le bonheur fait des envieux
Un jour ma belle-mère nous surprit amoureux
De rage elle rasa mes précieux cheveux
Et de mon bien aimé elle creva les yeux
Mon bien-aimé erra durant des années
Incapable de se trouver un chemin adapté
Mon bien-aimé dans son aveuglement
Devint infidèle à nos beaux serments
Ondine que j’étais malgré moi devenue
Mes larmes faisant déborder les rivières
Je lui ôtais toute respiration régulière
De son sommeil nu il ne se réveilla plus
© Lalinéa